Une autre réflexion de Fjordman initialement publiée dans le Brussels Journal, datant de l’été dernier et traduite tout dernièrement…

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Superman, Harry Potter et la guerre contre le jihad

Fjordman, Mardi 1er août 2006

J’ai déjà fait remarquer qu’un sentiment sous-jacent de dégoût de l’Occident imprègne une partie de notre culture populaire et de nos médias. Il est bien là. Mais il y a aussi une autre tendance qui vaut d’être examinée.

J’ai récemment regardé le film Superman Returns. Je savais à l’avance qu’il avait récolté quelques critiques. Plutôt que la devise traditionnelle de Superman, « la vérité, la justice et l’American Way [1] », sa mission avait été modifiée par les scénaristes Michael Dougherty et Dan Harris, devenant la défense de « la vérité, la justice et tout ça ». « Le monde a changé, le monde est différent », a déclaré Harris. « La vérité, c’est qu’il est un étranger. Il a été envoyé d’une autre planète. Il a atterri sur la planète Terre, et il est ici pour tout le monde. C’est un super-héros international. » « Nous avons toujours hésité à inclure l’expression ‹ American Way ›, parce que la signification de ces mots est aujourd’hui quelque peu incertaine », expliqua Dougherty.

Certains se sont plaints en disant que Superman a trop adopté la tendance « métrosexuelle [2] » et que, d’ « Homme d’Acier », il a été réduit à « Chochotte Volante ». Je pense qu’ils ont été trop durs envers Superman. Oh, bien sûr, il porte probablement plus de mascara que son grand amour Loïs Lane, mais il combat toujours les méchants et leur botte le cul.

En lui-même, Superman Returns est un bon film, mais pas un classique. Son principal intérêt réside dans le fait qu’il appartient à une vague de films de super-héros et de films fantastiques qui ont bien marché ces dernières années. Pourquoi un tel engouement pour les super-héros ? Pourquoi maintenant ? Superman a été imaginé pendant la Grande Dépression, période de troubles économiques. Il a été créé par le dessinateur canadien Joe Shuster et le scénariste américain Jerry Siegel en 1932, bien qu’il n’ait paru pour la première fois qu’en 1938. Il fut un personnage populaire des années ’50 et ’60, alors que l’Occident vivait dans le confort matériel, mais aussi dans la crainte d’une guerre nucléaire planétaire entre les deux blocs rivaux. Ce personnage dessiné mourut quasi littéralement dans les années ’90, après que la menace d’une telle confrontation ait semblé éteinte. A mon avis, les années 1990 devraient être surnommées « la décennie Seinfeld », d’après les copains amusants mais plutôt nombrilistes de Jerry Seinfeld, préoccupés par les petites choses de la vie. En tant qu’époque historique, les années ’90 commencent à la chute du mur de Berlin en 1989 et se terminent avec les attaques terroristes du 11 septembre 2001. C’est une période durant laquelle l’Occident a eu l’impression de ne faire face à aucune menace idéologique importante, et se livra donc à la décadence et à l’ironie, une sorte de soupir de soulagement consécutif à la fin de la Guerre Froide.

Peut-être y vois je trop de choses, mais la réapparition subite de super-héros comme Superman, Spider-Man et une masse d’autres personnages similaires n’est-elle pas un signe que l’Occident, après les attaques jihadistes du 11 septembre, se sent à nouveau en insécurité et vulnérable ?

Une autre méta-tendance voisine est le regain de popularité que connaît la littérature fantastique. Dans le magasine en ligne The American Thinker, le blogueur Bookworm fait quelques commentaires dignes d’intérêt sur cette impulsion de la littérature fantastique et sur certaines des valeurs que l’on y trouve. Les livres de J.K. Rowling décrivant les aventures du jeune sorcier Harry Potter, qui rencontrent un succès phénoménal, ont été décriés comme n’étant que « des livres un peu niais pour enfants ». Mais comme le fait remarquer Bookworm, les plus récents de ces ouvrages, tels L’Ordre du Phoenix, sont bien plus sombres que leurs prédécesseurs. L’Ordre du Phoenix est « centré sur les efforts désespérés d’Harry pour convaincre les autorités que le Mal est à nouveau parmi eux. Ce n’est qu’avec énormément de peine qu’il est capable de rassembler quelques partisans à ses côtés et de les préparer à la guerre. » Ça ne vous semble pas familier ?

Rowling poursuit dans cette tonalité sombre, sans rétrograder – en fait, plutôt en assombrissant encore – dans Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé. « Harry s’interroge – cela vaut-il la peine de s’engager dans un combat si destructeur pour la communauté des sorciers ? [Son mentor] Dumbledore ne tolère pas ce genre de fadaises. Il explique en substance à Harry que, dans la lutte entre le Bien et le Mal, on ne peut abandonner, qu’ils doivent au contraire persévérer en sachant qu’ils font ce qui doit être fait. »

Le malintentionné sorcier Lord Voldemort, qui a tué les parents d’Harry, terrorise la société avec l’aide de ses disciples, assassinant qui se dresse en travers de son chemin. Il est tellement craint que la plupart des gens n’osent pas mentionner son nom, et font référence à lui seulement en tant que « Vous-Savez-Qui » ou « Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom». Harry refuse d’entrer dans ce jeu et met un point d’honneur à appeler Voldemort par son vrai nom. Comme le dit son amie Hermione Granger [3] : « La peur d’un nom ne fait qu’accroître la peur de la chose elle-même ».

Voldemort, sorcier maléfique, a-t-il eu une enfance difficile ? Oui, il était orphelin. Mais c’est aussi le cas de Harry Potter, sa Némésis, qui pourtant n’est pas devenu mauvais. La différence entre les deux personnages ne tient pas à leurs antécédents ou leurs aptitudes, mais à leurs choix. Parfois, ce n’est pas parce qu’ils ont un passé troublé ou un présent difficile que les gens commettent de mauvais actes, mais simplement parce qu’ils sont mauvais ou choisissent délibérément de mal agir.

Loin d’être des histoires « niaises pour enfants », les récits d’Harry Potter recèlent des meurtres, des trahisons, des actes de terrorisme, mais aussi de la bravoure et certaines idées hautement politiquement incorrectes relatives à la notion de guerre juste. Dans la Grande-Bretagne de fiction d’Harry Potter, certaines personnes sont tout simplement malveillantes et doivent être affrontées, écrasées, au besoin même tuées. Dans la Grande-Bretagne réelle, le Premier Ministre Blair et d’autres ont peur de mettre un nom sur l’ennemi, et lancent de ridicules tentatives de dialogue avec les terroristes. Voyons voir : désigner l’ennemi, l’affronter pour le vaincre et, si nécessaire, le tuer. Harry Potter gagnant, Tony Blair perdant. N’est-il pas quelque peu triste de constater que la dernière personnalité au Royaume-Uni capable de clairement identifier le mal et d’y résister est un adolescent fictif ?

Le Seigneur des Anneaux, que l’auteur britannique J.R.R. Tolkien écrivit sur fond de Seconde Guerre Mondiale, a connu un regain d’intérêt suite à la sortie des films réalisés par le néo-zélandais Peter Jackson. En dehors du fait qu’ils constituent une excellente publicité pour le pays natal de l’auteur, l’une des rares contrées dont les paysages puissent rivaliser de beauté avec les fjords de Norvège, ceux-ci contiennent un message en grande partie identique à celui des ouvrages de Rowling : glorification de valeurs traditionnelles telles que l’honneur, la loyauté, le courage et la constance. Ainsi que l’observe Bookworm, « le narratif du film reconnaît l’existence du Mal et convient que la seule chose à faire contre lui est de l’éradiquer. Une guerre contre le Mal est une guerre totale, à laquelle on ne peut se soustraire. La Communauté de l’Anneau ne tient pas de discussions pour tenter de comprendre l’enfance malheureuse de Saroumane et le disculper ainsi de ses méfaits. »

Pourquoi tant de gens apprécient-ils les livres et les films du Seigneur des Anneaux ? Il y a probablement maintes raisons à cela, mais je soupçonne que parmi elles se trouve l’idée réconfortante de défendre sa civilisation et ses terres contre le mal, ainsi que l’éloge de vertus désuètes comme l’honneur, la dignité et la fierté de son patrimoine. Comme on pouvait s’y attendre, The Gardian, journal de gauche pro-islamique, n’a pas manqué de critiquer l’œuvre de Tolkien pour ses « stéréotypes », et les féministes extrémistes se méfient de cet étalage de masculinité traditionnelle.

En plus de leur valeur divertissante, une partie de l’énorme popularité rencontrée par des œuvres de la littérature fantastique comme Le Seigneur des Anneaux, Harry Potter et la série des livres de Narnia de C.S. Lewis vient du fait qu’elles nous procurent un refuge à l’abri de l’étouffant autodénigrement anti-occidental de notre époque. Dans la vie réelle, on nous enseigne qu’il n’existe pas de « mauvaises » choses, mais juste des points de vue différents, qui sont tous aussi valables que le nôtre. Vouloir défendre votre pays contre l’invasion est faire preuve de « racisme et de la xénophobie ». Les terroristes tuent des gens parce qu’ils ont été victime d’iniquité par le passé ou d’ « islamophobie » à l’heure actuelle.

En cette ère de multiculturalisme et de relativisme culturel, les seuls endroits où nous puissions identifier le mal et le combattre sont des mondes de fiction, qu’il s’agisse de la Terre du Milieu de Tolkien ou du collège de Poudlard de J.K. Rowling. Peut-être est-ce pour cette raison que les visiter nous procure un tel réconfort, même si ce n’est que pour quelques heures. En Occident, l’Occident réel, nos universités nous conseilleraient de négocier avec Sauron et de reconnaître qu’il a des motifs légitimes de mécontentement. Nos médias diraient que la seule raison pour laquelle les Orques tuent les gens est qu’ils souffrent d’un racisme et d’une orcophobie généralisés. Nous aurions tous droit à un stage de citoyenneté pour nous apprendre à être plus sensible à leurs problèmes, inviterions les Orques à s’installer par millions dans nos grandes villes, et enseignerions à nos enfants les richesses de la culture orque.

V.S. Naipaul, lauréat indien du prix Nobel de littérature 2001, a décrit dans « Crépuscule sur l’islam : voyage au pays des croyants » et dans sa suite « Jusqu’au bout de la foi » comment les peuples de l’Iran, du Pakistan, de l’Indonésie et de la Malaisie ont vu leurs cultures originelles réprimées et effacées par l’impérialisme culturel arabe qui se propage sous la forme de l’islam. Naipaul vit aujourd’hui en Angleterre, mais ne souscrit pas à la notion selon laquelle la civilisation occidentale est en déclin. « C’est une chimère », dit-il brusquement. « On ne peut dire d’une civilisation qui a conquis le monde qu’elle est en train de mourir. […] C’est une idée de théoricien. Des gens mijotent ça dans les universités et donnent des conférences là-dessus. Ça ne repose sur rien. » « La ‹ timidité philosophique › de l’Occident », soutient-il, « l’emportera sur la ‹ vocifération philosophique › de ceux qui voudraient le détruire. » Naipaul a qualifié l’islam de « parasite de ce monde », voulant dire par là que le monde islamique crée très peu de chose par lui-même, il ne peut que se nourrir des réalisations d’autrui. Le développement économique de l’Inde et de la Chine, dit-il, « va complètement modifier le monde », alors que « rien de ce qui se produit dans le monde arabe n’a cette capacité ».

Un autre asiatique à l’esprit vif, le mentor politique de Singapour Lee Kuan Yew, est du même avis, et pense qu’il y aura un glissement économique depuis l’Océan Atlantique vers le Pacifique : « Ce qui se produit peu à peu est la restauration de l’équilibre mondial que l’on connaissait vers la fin du XVIIIème – début du XIXème siècle, lorsque la Chine et l’Inde étaient ensemble responsables de plus de 40% du PIB mondial. Ces deux pays prenant part au commerce globalisé, ils vont retrouver le niveau de PIB qu’ils occupaient précédemment. Mais ça n’en fait pas pour autant des superpuissances mondiales. »

Cependant, même si V.S. Naipaul est optimiste concernant l’Occident, il n’en remarque pas moins sa perte de confiance culturelle, dont le multiculturalisme est le signe le plus évident. Il manque aujourd’hui à l’Europe occidentale une identité culturelle robuste, ce qui la rend vulnérable à l’islamisation. Il dit que les musulmanes ne devraient pas porter le foulard en Occident. « Si vous décidez de déménager dans un autre pays et de vivre selon ses lois, vous ne manifestez pas votre mépris pour l’essence de sa culture », dit-il. « C’est une forme d’agression. »

En terme d’importance globale, l’Occident est en effet en déclin. Comme Naipaul le fait lui-même remarquer, il y a une croissance économique spectaculaire dans bon nombre de pays du Tiers-Monde. Le pourcentage de la population mondiale représenté par l’Occident diminue, et le danger est qu’il soit submergé par l’immigration en provenance de pays plus pauvres, mais dont la population est en plein essor.

Cartogramme – Population mondiale en 1960

Cartogramme – Population mondiale actuelle

Cartogramme – Population mondiale en 2050 (projections)

Oui, l’Occident « a conquis le monde », dans le sens où la civilisation occidentale est la première dans l’histoire à avoir eu un impact littéralement global. Le fait que l’influence occidentale ait touché tous les recoins de la planète a créé pour la toute première fois un système mondial vraiment interconnecté. Ironiquement, c’est l’une des raisons du déclin relatif de l’Occident. Nous nous sentons coupables d’avoir conquis le monde, et cela nous rend la tâche de préserver nos cultures et nos frontières plus difficile.

L’explosion démographique observée dans nombre de régions du globe, qui rend de plus en plus marginale la population de l’Occident, est en bonne partie liée à la diffusion de la technologie, à la propagation des progrès médicaux, à un meilleur transport de la nourriture, etc., toutes choses qui ont été facilitées par l’Occident.

L’Occident a effectué les percées menant à la révolution scientifique et industrielle alors qu’il se trouvait dans un relatif isolement comparé au monde d’aujourd’hui. Il est maintenant impossible qu’une région ou une civilisation parvienne à acquérir, et encore moins à maintenir, une avancée technologique telle que celle que nous avons connue pendant quelques temps. Les progrès technologiques se propagent de par le monde en quelques années, quelques mois, voire quelques secondes, et non plus sur des générations ou des siècles.

Nous autres Occidentaux devons ajuster l’image que nous avons de nous même et nous habituer à n’être que l’une des puissantes civilisations du XXIème siècle. Ce n’est pas la fin du monde. Certainement pas celle du monde non-occidental en tout cas, mais pas nécessairement celle de l’Occident non plus. L’Occident doit prendre conscience de son déclin relatif global et de sa vulnérabilité.

La question n’est pas de savoir si nous serons aussi puissants au XXIème siècle que nous l’avons été par le passé. La réponse à cela est presque certainement non. La question est de savoir si l’Occident survivra indemne. Nos relations avec le monde doivent être adaptées en conséquence. Nous n’avons aucune obligation de « sauver » le monde islamique, et même si nous le voulions nous n’en avons pas les moyens, ni financiers, ni humains. Nous ne sommes pas tout-puissants, nous ne sommes pas en position d’aider le Tiers-monde tout entier à sortir de la pauvreté, et encore moins en autorisant tous ses habitants à déménager ici. L’Occident doit d’abord se sauver lui-même.

Nous aussi avons des cultures et des pays que nous aimerions préserver, et l’on ne peut, l’on ne devrait en aucun cas attendre de nous que nous acceptions un nombre illimité de migrants venus d’ailleurs. En fait, des ghettos du Tiers-monde se développent déjà au sein de nos propres villes à cause de l’immigration massive.

Le gouvernement thaï a récemment mis ses citoyens en garde contre le fait de voyager en France, à cause de la criminalité. Arrêtons-nous une minute pour réfléchir aux implications de ceci. On considère généralement la Thaïlande comme un pays en voie de développement, bien qu’elle prenne activement part à la croissance économique de l’Asie, tandis que la France est traditionnellement perçue comme un pays développé et industrialisé. Et maintenant, on voit des visiteurs venant de pays en voie de développement se plaindre … du manque d’ordre public qu’ils y trouvent. L’immigration gomme les différences entre nations développées et en voie de développement.

Les créateurs du film Brick Lane, qui raconte l’histoire d’une jeune Bangladaise envoyée à Londres pour y contracter un mariage forcé, ont dû arrêter de tourner dans la zone de Londres où l’action est supposée se dérouler, en raison de l’opposition de la communauté bangladeshie locale. Certains membres de cette communauté affirment que le roman de Monica Ali [4] dont est tiré le film est « insultant ». « Les gens [vivant à Brick Lane] ont été humiliés, et ils [les cinéastes] ne devraient pas s’approcher. » Bienvenue dans l’Europe-Tiers-monde.

Nous devons recouvrer confiance en notre culture et rejeter le multiculturalisme. Notre civilisation vaut d’être sauvée, en dépit de ce que certains de nos intellectuels anti- et post-occidentaux peuvent en dire. Cela ne ferait aucun bien à personne, ni à nous-même, ni au monde, si nous cédions la place à la barbarie islamique.

Le Premier Ministre Tony Blair a déclaré avoir lu le coran, dont il a loué la sagesse. L’administration Bush a enrichi la bibliothèque de la Maison Blanche d’un exemplaire du coran, et il faut espérer que quelques membres du gouvernement l’auront lu. Peut-être que quelqu’un devrait discrètement leur glisser une copie du Seigneur des Anneaux ou du dernier Harry Potter. Peut-être que nos gouvernants occidentaux pourraient apprendre à travers ces ouvrages quelque chose sur le concept de guerre juste, sur l’importance d’identifier ses ennemis et sur celle de faire face au Mal.

Remarque à l’intention de Monsieur Blair : il y a plus de sagesse dans les récits d’Harry Potter qu’il n’y en aura jamais dans le coran.


[1] American Way [of Life] : la manière de vivre américaine.

[2] « Métrosexuel » : terme utilisé pour désigner un « urbain branché qui s’approprie une part de féminité » (L’Express), ou encore un « homme urbain, au sens développé de l’esthétique, qui dépense énormément de temps et d’argent dans son apparence et son style de vie » (Wikipédia)

[3] NdT : Dans le second film. Dans le livre, c’est Dumbledore qui prononce ces paroles.

[4] Monica Ali est de père bangladeshi et de mère anglaise. « Brick Lane », traduit en français sous le titre « Sept mers et treize rivières », est son premier roman.